En janvier 2004, j'avais vu dans une émission de TELEMATIN , un reportage qui montrait la réalisation du portrait de Jacques Dutronc par Bernard Prat .
Vendredi soir à l'exposition d'ARTENIM (9 ème Foire d'Art Contemporaine de Nîmes), La Galerie AD présentait quelques oeuvres de cet artiste.
Après plus de vingt années passées à peindre mais aussi à sculpter par assemblages d'objets de récupération, il conçoit en 1997, une forme d'expression étonnante, utilisant le support photographique, mais dont la création relève davantage de la peinture et de la sculpture que de la photographie.
L'élaboration d'une oeuvre de Bernard Pras connaît plusieurs étapes :
La première est la récolte : récolte d'objets usagés (jouets, ustensiles, vêtements... mais aussi matériel ménager). Puis vient le choix des couleurs, des formes, des dimensions.
Enfin intervient l'assemblage , principale opération : assemblage qui se fera à partir du viseur de l'appareil photographique.
Car, ici, ce n'est pas l'appareil qui se déplace pour choisir le meilleur angle du sujet mais le sujet lui-même qui se construit devant l'appareil statique.
Véritable anamorphose, l'amas d'objets devient alors portrait : non seulement image mais analyse psychologique par le choix des objets et leur mise en place.
Portraits d'amis (Frank, Yota, Gabriella, Yveline, Vincent), portraits célèbres (Marylin, le Che, Van Gogh) mais aussi portraits d'anonymes (Pipo, Alsata...) témoins des lieux où les objets de départ ont été récoltés.
Monographie (broché). Paru en 01/2007 ANAMORPHOSES
INTERVIEW DE BERNARD PRAT:
D’où venez-vous ?
De la peinture donc. Je n’avais jamais fait de photo de ma vie, auparavant. Je n’avait pas de goût pour cela. Mais maintenant ce qui m’intéresse est, d’une part de garder une trace de mes installations et d’autre part ce qui apparaît dans le viseur de l’appareil.
Qui êtes vous ?
Je suis un peintre dont les démarches m’ont amené à la photo. J’ai derrière moi 20 ans de peinture et seulement 3 ans de photo, donc je me considère plus comme un peintre.
D’ailleurs les problème que je soulève par mes photos sont des problèmes de peintre. Je me sens comme un peintre qui s’est amputé des mains , comme un renard se sectionne les membres pour se dégager du piège dans lequel il est tombé, pour se libérer. C’est exactement cela.
Ma vision est celle d’un peintre, c’est juste la technique qui est différente. Dans la peinture je voulais créer une espèce d’espace qui serait indiqué par deux objets, quand je peignais je m’intéressait à l’espace laissé absolument vierge entre deux tableaux.
C’est la photo et les installations qui les précèdent qui m’ont permis d’établir ce rapport entre cet espace vide et le spectateur qui va pouvoir l’habiter. Ce qui est beau c’est l’imagination de celui qui regarde, comme Duchamp disait : "c’est le regardeur qui fait le tableau".
Certains artistes ont produit des œuvres par ce procédé et ainsi créé des images déformées qui se recomposent à un point de vue préétabli et privilégié. Historiquement, l'anamorphose est l'une des applications des travaux de Piero della Francesca sur la perspective. En effet, c'est la rationalisation de la vision qui a conduit à systématiser les techniques de projection, dont les anamorphoses sont l'un des résultats. Cet « art de la perspective secrète » dont parle Dürer connaît des applications multiples, aussi bien dans le domaine de l'architecture et du trompe-l'œil que dans des utilisations utilitaires.